07/02/2023

 

L’enfant est aujourd’hui considéré victime lorsqu’il grandit dans un contexte de violences conjugales. Mais il y a assez peu de littérature sur les conséquences du conflit parental sur l’enfant. Dans ma pratique, je rencontre des enfants avec des symptômes très significatifs, qui me mettent en alerte sur sa souffrance…
Voici les plus couramment observés:

 

– LA PARENTIFICATION:

l’enfant placé au coeur de la discorde parentale perd très vite son esprit d’insouciance et son intérêt pour le jeu. Boris Cyrulnik relate que la parentification met à l’arrêt une partie du développement cognitif de l’enfant. Les éthologues savent bien, que les apprentissages les plus ardus s’acquièrent par le jeu. Il est en de même pour le petit humain. Le jeu permet « l’essai-erreur » qui ne porte pas à conséquence et par cette expérience de l’échec, recommencer pour réussir. L’enfant qui ne vit plus dans l’insouciance mais concentré sur les signes de l’adversité entre ses parents, se permet plus difficilement le droit à l’erreur. Comme ses parents, il est sur le qui-vive.

Ce qui n’arrange rien, l ‘enfant adultisé fait parfois la fierté de ses parents, « notre enfant est très mature pour son âge! », ceux-ci encourageant de surcroit cette parentification….

 

– LE CONFLIT DE LOYAUTÉ:

L’enfant entre ses parents vit un déchirement permanent. Si j’exprime mon amour à l’un, l’autre peut se sentir désavoué.. Dilemme infernal pour l’enfant qui peut conduire dans certaines extrêmités, vers une psychopathologie. L’enfant trouvant pour seule sortie de ce dilemme, la pathologie. Le plus couramment, pour se protéger des effets du conflit, l’enfant décide de se couper d’un parent et dans les cas de conflits les plus sévères: de se couper de toute la branche parentale du parent « rejeté ». Certains parents pensant qu’il s’agit de la manipulation de son ex conjoint, pour l’éloigner de l’enfant et le toucher personnellement de façon violente. Même si ces procédés existent bel et bien, cela reste heureusement marginal. Mais les parents on souvent des difficultés à entendre qu’ils ont chacun une responsabilité dans le rejet d’un parent. Pourtant tous deux se renvoient la balle: « je le dis à mon fils qu’il faut qu’il aille le-la voir mais il ne m’écoute pas » « il-elle lui bourre le crâne, c’est pour ça que mon enfant ne veut plus venir chez moi, c’est de sa faute! » . Ces réponses bien défensives ne permettent pas le recul nécessaire à l’observation de la situation et des conséquences pour leur enfant. Préoccupés qu’ils sont par la protection de leur identité, face aux attaques répétées de l’ex conjoint.

 

– LES DIFFICULTÉS SCOLAIRES:

L’enfant au coeur du conflit parental sera bien en peine à se concentrer sur les apprentissages. Son système d’attachement étant toujours en alerte par la rivalité parentale et finalement par les 2 personnes qu’ils aiment le plus et qui sont primordiales à son bon développement. Cette alerte permanente, ne lui permet pas ou difficilement d’activer son système d’exploration.

 

– L’ANESTHÉSIE  ÉMOTIONNELLE:

Certains enfants au contraire, se plongent littéralement dans leur scolarité, façon pour eux de mettre à distance leur angoisse et oublier ce qui s’agite si violemment autour d’eux et en eux. Pour ce faire, ils mettent en sourdine leur système limbique… Le système limbique est justement là pour nous signaler qu’un de nos besoins fondamentaux n’est pas assouvi et cela déclenche une alerte émotionnelle, peur, colère, tristesse…Pour certains enfants, cette alerte est tellement forte qu’il faut la court circuiter pour la faire taire. En mettant en sourdine ce système d’alerte, l’enfant se coupe aussi de ses émotions. Il aura alors possiblement plus de difficultés à comprendre ce qui le traverse et ce que ses pairs ressentent émotionnellement. Par ce mécanisme, l’enfant réduit ses facultés d’apprentissage dans les habiletés sociales et de façon plus marginale, dans le développement de l’empathie. En effet, comment comprendre ce que l’autre traverse si je suis moi-même coupé de mes émotions?

 

D’autres manifestations symptomatiques doivent alerter comme les troubles de l’attention, l’hyperactivité et j’en passe.

Ces troubles ne sont pas spécifiques au conflit mais ils sont indicateurs d’un vécu émotionnel difficile pour l’enfant.

 

Pour les parents  en conflit, plus le travail de médiation intervient rapidement dans la discorde, plus il sera aisé de rétablir une communication parentale sereine et constructive. Mais quel que soit le niveau de votre conflit, il est possible d’empêcher l’escalade pour construire une base de sécurité, nécessaire pour la communication parentale et l’évolution de l’enfant entre ses parents. 

 

Pour les professionnels de la protection de l’enfance qui accompagnent les situations les plus sévères de conflits entre parents, il n’est pas question de les  culpabiliser avec les effets de leur discorde sur l’enfant… mais de permettre un  basculement vers une responsabilisation individuelle, pour une responsabilité mutuelle! Le chemin n’est pas simple mais tellement riche et créateur de résilience pour tous!

 

HELENE BUREL-LEFORT

Médiatrice familiale et Thérapeute